Université d'ottawa

Signature de l’entente de don des documents personnels de Paul Wyczynski, à titre de membre de la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, 13 octobre 1971. Première rangée : Paul Wyczynski et Maurice Chagnon, vice-recteur à l’enseignement et à la recherche. Deuxième rangée : Joseph-Marie Quirion, doyen de la Faculté des arts ; John Hare, professeur au Département des lettres françaises ; Roland Trudeau, o.m.i., secrétaire de l’Université ; Paul Drouin, o.m.i., directeur des bibliothèques. Archives de l’Université Saint-Paul, EA416.A79R3.

Anna Saint-Charles, entourée du père Joseph-Marie Quirion et de Paul Wyczynski, lors de la cession au CRCCF des archives de son père Joseph Saint-Charles, 13 septembre 1972. Archives de l’Université d’Ottawa, Fonds Service d’appui à l’enseignement et à l’apprentissage, AUO101-72104A-R1-2.

Lettre de remerciement de Félix-Antoine-Savard adressée à Pierre Savard, le 5 février 1978. Université d’Ottawa, CRCCF, Fonds Pierre Savard (P124), P124-50/1/21.

Lancement des publications du CRCCF, à l’agora de la Maison du Citoyen,  2 février 1990. Yolande Grisé, Pierre Savard, Paul Wyczynski et Régine Delabit. Université d’Ottawa, Fonds  Service d’appui à l’enseignement et à l’apprentissage,, AUO101-90028R1-8A.

Lancement des publications du CRCCF, au Centre francophone de Vanier (Ontario), 3 février 1995. Yolande Grisé, Ian Wilson, Carlos Bazan et Lucie Pagé. Fonds Service d’appui à l’enseignement et à l’apprentissage,  AUO101-95016-R3-11A.

L’équipe du CRCCF dans le cadre du projet de l’exposition virtuelle La présence française en Ontario : 1610, passeport pour 2010, printemps 2003. Assis : Lucie Pagé, France Gagnon et Sophie Lemaire. Debout : Christian Brideau, Rémi Simard, Jean-Marc Thibault, Christine Dallaire, Michel Bock et Jean-Pierre Wallot. Photo : David Barbour. Université d’Ottawa, CRCCF, Fonds CRCCF (C37), Ph1-A-3.

La collection de fonds d’archives du CRCCF: l’aventure du Canada français

Michel Lalonde

Responsable des archives

CRCCF

Rémi Tremblay voit le jour en 1847 à Saint-Barnabé, dans la région de Saint-Hyacinthe. Il est encore enfant quand ses parents émigrent au Rhode Island, et, en 1868, on le retrouve à Woonsocket, où il épouse Julie Lemery. Militaire dans l’armée de l’Union pendant la guerre de Sécession puis engagé dans les Chasseurs canadiens pour repousser l’invasion des Féniens, il est tour à tour commis à Contrecœur et à Woonsocket, secrétaire-trésorier de la municipalité de Stoke, dans les Cantons de l’Est, journaliste à St Albans (Vermont), Sherbrooke, Saint-Lin, Montréal, Québec, Worcester et Fall River au Massachusetts. De 1880 à 1887, il occupe le poste de traducteur à la Chambre des communes, à Ottawa, poste dont il est destitué en 1887 à cause de ses positions en faveur du chef métis Louis Riel. Il revient dans la capitale fédérale en 1896 comme traducteur aux Communes et assistant bibliothécaire au Parlement. Auteur de huit livres, parus entre 1879 et 1925, il est aussi le père de trois enfants, dont Jules, né à Montréal en 1879. C’est dans cette ville que le garçon fait ses études, avant de rejoindre son père à Ottawa en 1896. Comme ce dernier, il fait carrière de journaliste dans divers journaux — au Temps, au Ottawa Citizen, au Ottawa Journal et au Canada — et il collabore en outre à La Presse, au Devoir et au Montreal Herald. Poète, Jules Tremblay est élu membre de l’École littéraire de Montréal en 1909; il est même secrétaire de cet organisme de 1910 à 1912. Cette année-là, il fonde le journal La Justice pour combattre le Règlement XVII, cause dans laquelle il s’engage profondément, en particulier comme secrétaire général de l’Association canadienne-française d’éducation d’Ontario en 1911-1912. Sur les traces de son père, Jules Tremblay est aussi traducteur à la Chambre des communes, ce qui l’amène à mettre sur pied la Société technologique de langue française, l’ancêtre de l’Association des traducteurs et interprètes de l’Ontario. Pendant plus de vingt ans, Rémi Tremblay joue un rôle de premier plan dans la vie associative et culturelle de langue française dans la capitale fédérale. Marié à Blanche Carter, avec qui il aura six enfants, il meurt en 1927, un an après son père. C’est sa fille Yvette qui confia au Centre de recherches sur la littérature canadienne-française (CRLCF) son fonds d’archives ainsi que celui de Rémi Tremblay .(1)

Les itinéraires de Rémi et de Jules Tremblay sont de magnifiques métaphores de ce qu’est la collection du CRCCF et de cette civilisation canadienne-française telle que les fondateurs et les directeurs qui se sont succédé à la tête du Centre ont pu la concevoir. Ces deux cheminements personnels représentent plusieurs aspects de l’histoire du Canada français, de l’aventure canadienne-française en Amérique du Nord, parce que l’itinéraire de ces Tremblay, père et fils, — celui de Jules davantage sans doute — est porteur de l’unité de la collection de fonds d’archives du CRCCF. Est-ce que les fondateurs du Centre l’avaient pressenti lorsqu’ils constituaient patiemment le corpus de leurs recherches sur l’École littéraire de Montréal? Sans doute pas complètement, mais cette unité est bien là dans toute son évidence: Jules Tremblay, le poète de l’École littéraire de Montréal est aussi traducteur à Ottawa et Ottavien à part entière; c’est de cette ville qu’il rayonne dans tout le Canada français, tant par son art que par son engagement au service de la cause des Canadiens français de l’Ontario. Jules Tremblay, c’est en somme la littérature canadienne-française (et québécoise) en même temps que l’Ontario français, aux heures sombres de la crise du Règlement XVII. Les archives de ces écrivains, poètes et artistes d’Ottawa et d’ailleurs, tous participants au réseau culturel canadien-français, ne sont donc pas si éloignées des archives d’organismes tels l’Institut canadien-français d’Ottawa et l’Association canadienne-française de l’Ontario dans lesquelles on retrouve aussi leurs traces.

Le développement de la collection, 1958-1980: la construction des grands axes

La première décennie

La collection du Centre, ce fut d’abord le corpus des chercheurs fondateurs du Centre. Comme l’a raconté Paul Wyczynski, on peut faire remonter l’origine de cette collection à la période précédant la fondation du CRCCF, plus précisément aux années 1952 à 1958, époque où il fréquentait les membres de l’École littéraire de Montréal, notamment Jean Charbonneau et Albert Laberge, aux fins de sa recherche doctorale sur Émile Nelligan. Ces fonds d’archives se retrouveront, avec ceux de Louis-Joseph Doucet et d’Albert Ferland, dans la collection du Centre. Dès la fondation donc, les ressources documentaires occupaient au Centre une place aussi importante que la recherche, les publications et la mise sur pied d’un programme de cours en littérature canadienne-française.

Le « mémoire des quatre » du 5 août 1958 nous renseigne sur ces prémices de la collection du Centre :

On trouve en dépôt chez le R. P. Julien et chez M. Wyczynski les archives de Jean Charbonneau, de Louvigny de Montigny, des documents littéraires et iconographiques concernant Gaston de Montigny et Charles Gill et plusieurs lettres de Joseph Melançon, de Louis Dantin, de Gonzalve Desaulniers, d’Émile Nelligan, de Gérin-Lajoie...

Nous sommes aussi la seule université canadienne qui possède en microfilm tous les procès-verbaux de l’École littéraire de Montréal (2).

En toute logique, découlant de la méthode scientifique, la documentation précède la recherche, les publications et autres activités de diffusion des connaissances. Pour les fondateurs, cela forme un tout qui doit concourir à l’approfondissement des connaissances.

On peut penser que l’aspect plurithématique du fonds d’archives a aussi eu une influence sur l’évolution de la recherche au Centre. En effet, les documents d’archives sont créés dans le cours des activités quotidiennes et le seul principe qui leur confère une unité est bien la provenance. Ainsi, le Fonds Jules-Tremblay pourra intéresser aussi bien un chercheur en littérature qu’un historien de la vie associative. C’est là la richesse du fonds d’archives: il témoigne intimement de l’ensemble des activités d’une personne ou d’une organisation. Il n’est donc pas étonnant que le Centre, d’abord intéressé à la littérature canadienne-française, ait embrassé tous ces domaines.

Jusqu’en 1968, le développement de la collection de fonds d’archives est principalement assuré par Paul Wyczynski et John Hare (ce dernier, surtout à partir de 1966). Le rythme de croissance de la collection, pendant cette première décennie, est de quatre nouvelles entrées, en moyenne, par année. Les pionniers, tout à leurs recherches et sans autres ressources, n’ont pas tenu de registre formel des acquisitions. Notons que le premier archiviste, Robert Potvin, n’est engagé qu’en juillet 1968.

Les années 1969 à 1980

De 1969 à 1973, l’élargissement de la vocation du Centre de recherches sur la littérature canadienne-française se reflète désormais dans son nom, devenu en avril 1969 le Centre de recherche en civilisation canadienne-française (CRCCF). Au chapitre du développement de la collection, l’acquisition du fonds d’archives de l’Association canadienne-française d’éducation d’Ontario (ACFEO) en décembre 1969 constitue un point tournant. On assiste aussi à une professionnalisation du secteur des ressources documentaires, qui se traduit par une réorganisation des archives et l’établissement de dossiers d’acquisition. Le nombre des nouvelles entrées dans la collection fait plus que tripler par rapport à la première décennie, passant à quatorze, en moyenne, par année. C’est pendant cette période que le CRCCF acquiert, outre le fonds de l’ACFO, ceux de la Fédération des associations de parents francophones de l’Ontario et de l’Association de la jeunesse franco-ontarienne, la partie ontarienne du fonds de l’Ordre de Jacques Cartier (dissous en février 1965) et que s’amorce la construction de la mémoire archivistique de l’Ontario français. Le Centre acquiert aussi le fonds de Gustave Lacasse, militant et homme politique du sud-ouest de la province (et dont une partie des descendants sont installés dans la région de la capitale). Le Centre poursuit aussi ses acquisitions de fonds d’artistes, tels Charles Huot et Henri Fabien, d’écrivains, comme sœur Paul-Émile, s.c.o., et d’animateurs du milieu canadien-français d’Ottawa, les Marcelle Barthe, Joseph Beaulieu, Jacques Gouin, Gaston Vincent et Adélard Chartrand, ces deux derniers ayant été également présidents de l’ACFEO. Présentes dès le départ, les archives du milieu canadien-français d’Ottawa sont un élément majeur du développement de la collection. Dans le domaine de la littérature canadienne-française, le Centre acquiert encore de rares fonds d’auteurs dont la période de créativité déborde les années soixante: les fonds d’archives de Louise-Maheux Forcier et de Claire Martin qui étaient toutes deux, au tournant des années soixante-dix, écrivaines en résidence au Département des lettres françaises de l’Université d’Ottawa et associées aux travaux du Centre.

À l’arrivée de Pierre Savard en 1973, les principaux axes de développement de la collection du CRCCF sont déjà dessinés. Entre 1974 et 1980, les archives du CRCCF vivront une période accélérée de développement. Dès l’automne 1973, à l’instigation du nouveau directeur, le conseil de direction décide d’accorder la priorité aux fonds témoignant de la vie française en Ontario dans le développement de la collection. Il s’ensuivra une grande croissance des «archives franco-ontariennes», provoquée par une stratégie très proactive. Le rythme des acquisitions est porté à vingt-sept nouvelles entrées, en moyenne, par année.

Sous la direction de Pierre Savard, toutes les forces du CRCCF sont tendues vers les nouveaux objectifs résultant de l’élargissement de la vocation du Centre, en phase avec l’évolution de l’Université d’Ottawa, de la recherche et du Canada français. Pierre Savard est secondé par Robert Barsalou, o.m.i., jusqu’au décès de ce dernier en février 1980 et, dans le poste de responsable des archives, par Jacques Grimard, de 1974 à 1979, puis par Monique Boulet-Wernham, de 1979 à 1985. Sous leur impulsion, les champs d’acquisition des archives s’étendent et se diversifient; le rythme des accroissements s’intensifie. Tant sur les plans de la recherche et du rayonnement que sur celui des ressources documentaires, ces années constituent une période de grande ébullition; en même temps s’établissaient les bases de la continuité.

Les grands axes de la collection du CRCCF

Culture du Canada français

La culture du Canada français, soit la langue, la littérature, les beaux-arts et l’histoire, constitue le premier axe de développement de la collection du CRCCF. Ces domaines étaient, plus qu’aujourd’hui, considérés comme complémentaires, et gens de lettres et artistes se fréquentaient, certains pratiquant plus d’un art. Par exemple, François-Xavier Garneau, avant de devenir le grand historien national du Canada français, était poète. Charles Gill était poète et peintre. Albert Ferland était autant poète que dessinateur. Quant à Claire Martin, elle est écrivaine en plus d’être traductrice littéraire. L’activité des créateurs de fonds d’archives, dans cet axe, est principalement antérieure à 1970. Au corpus concernant l’École littéraire de Montréal, rassemblé par les fondateurs, se sont ajoutés les fonds d’archives d’autres écrivains du Canada français, fonds qui débordent parfois la période de créativité des membres de l’École, dont les derniers représentants disparaissent en 1960.

Parmi les plus importants fonds d’archives de cet axe, outre ceux déjà cités, mentionnons ceux d’Albert Laberge, auteur, journaliste et membre de l’École littéraire de Montréal, d’Hector-Carbonneau, traducteur et auteur, et de Joseph Saint-Charles, peintre et professeur, auxquels s’ajouteront plusieurs autres, entre 1968 et 1980, qui viendront enrichir ce premier axe de la collection du CRCCF, dont le fonds d’archives de l’historien et haut fonctionnaire Guy Frégault. Il faut souligner la double présence dans la collection du Centre des fonds d’archives de François-Xavier Garneau et de Guy Frégault: deux géants de l’historiographie canadienne-française, se répondant, chacun dans leur siècle. Depuis le début des années quatre-vingt, sauf dans le domaine de la traduction, le CRCCF ne fera que consolider les fonds déjà acquis dans ces domaines.

Les Ottaviens

Le deuxième axe qui ressort est transversal en ce sens que nous pouvons aussi en trouver des exemples dans les autres axes de la collection. Nous l’avons nommé: les Ottaviens. Il s’agit de résidants d’Ottawa, de l’est de l’Ontario ou de l’Outaouais québécois, de leurs familles et de leurs institutions, sociétés et clubs sociaux. Archivistes, rédacteurs, traducteurs, dessinateurs, journalistes ou communicateurs, entre autres, ils sont souvent connus pour d’autres talents et d’autres activités. D’identité canadienne-française, franco-ontarienne, québécoise ou autre, ils œuvrent à Ottawa, car, depuis le dernier tiers du xixe siècle jusqu’à aujourd’hui, Ottawa est un creuset de la culture du Canada français, un pont entre le Québec francophone et les minorités françaises d’outre-Outaouais, en raison des activités qui s’y déroulent. Ces Ottaviens, et les organismes qu’ils créent, sont parmi les principaux fils conducteurs de la collection. On les retrouve dans tous les autres champs d’acquisition et à toutes les phases du développement de la collection du Centre. Voici, pour en montrer la diversité, quelques exemples de ces personnes et organismes de la région de la capitale dont on trouve les fonds d’archives au CRCCF : Marie-Rose Turcot, auteure et journaliste; Georgette Lamoureux, fonctionnaire, journaliste et auteure; Séraphin Marion, historien et professeur; Léonard Beaulne, comédien et directeur de troupes, professeur de diction et d’art dramatique; Émile Boucher, journaliste, fonctionnaire, folkloriste et interprète; Régis Roy, auteur, historien et fonctionnaire; Rosaire Barrette, journaliste et traducteur; Fulgence Charpentier, fonctionnaire, diplomate et journaliste; Edgard Demers, journaliste, homme de théâtre et auteur; l’Institut canadien-français d’Ottawa, fondé à Bytown en 1852; la Société d’étude et de conférences, section Ottawa-Gatineau, fondée en 1946; le Cercle des femmes journalistes de l’Outaouais, fondé à Ottawa en 1960; le Club Richelieu Ottawa, fondé en 1945; la Paroisse Sainte-Anne d’Ottawa, fondée en 1873 et située dans le secteur est de la Basse-Ville d’Ottawa.

Les francophones de l’Ontario

Le troisième axe qui se dégage est évidemment celui des francophones de l’Ontario. Leurs archives, celles de leurs familles et de leurs organismes occupent plus de la moitié de la collection du CRCCF. Avec la création, en 1910, de l’Association canadienne-française d’éducation d’Ontario (devenue en 1969, l’Association canadienne-française de l’Ontario), du journal Le Droit en 1912, et la crise du Règlement XVII, on assiste à l’émergence d’une identité franco-ontarienne. Celle-ci s’épanouira pendant tout le siècle grâce à un réseau institutionnel soutenu par l’engagement de membres de la communauté franco-ontarienne. De multiples associations sont à l’origine de ce réseau; plusieurs d’entre elles ont été fondées au sein de l’ACFEO et la plupart ont leur siège social à Ottawa. Or c’est au CRCCF que se trouvent en bonne partie les archives de tout ce mouvement associatif franco-ontarien.

Parmi ces personnes et ces organismes de l’Ontario français qui ont confié leur fonds d’archives au Centre, mentionnons à titre d’exemples, outre ceux nommés précédemment, Robert Gauthier, pédagogue et haut fonctionnaire; Daniel Poliquin, romancier, nouvelliste et traducteur; Hélène Brodeur, auteure des Chroniques du Nouvel-Ontario; Gaëtane Vézina, enseignante, directrice d’école et institutrice des jumelles Dionne; l’Union des cultivateurs franco-ontariens, fondée par l’ACFEO en 1929; la Fédération des sociétés Saint-Jean-Baptiste de l’Ontario; l’Association française des conseils scolaires de l’Ontario, fondée sous les auspices de l’ACFEO à Ottawa le 17 octobre 1944; l’Association des enseignantes et des enseignants franco-ontariens, fondée à Ottawa en 1939; le Conseil francophone de planification scolaire d’Ottawa-Carleton, fondé à Ottawa en 1979; la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne, fondée à Toronto en 1978; le Mouvement d’implication francophone d’Orléans, fondé à Orléans (Ottawa) en 1979; l’Association des juristes d’expression française de l’Ontario, fondée à Ottawa en 1980; la Fédération des scouts de l’Ontario, district d’Ottawa; D’Amours Brothers Limited, scierie fondée à Moonbeam en 1941; le Festival franco-ontarien, fondé à Ottawa en 1975; La Chasse-Galerie, centre culturel de Toronto fondé par Micheline St-Cyr en 1968; Théâtre-Action, fondé à Sudbury en 1972 dans le but de promouvoir la vie théâtrale en Ontario français; Pro-Arts, association de promotion des arts visuels fondée à Ottawa en 1975; le Bureau de regroupement des artistes visuels de l’Ontario, fondé en 1991.

Ce vaste champ d’acquisition est évidemment en tête des priorités pour le développement de la collection du CRCCF; il en constitue d’ailleurs la zone d’excellence. La défense des droits linguistiques — et, particulièrement, l’éducation en français — est le leitmotiv de plusieurs de ces fonds d’archives. Mais tous les autres domaines de l’activité humaine ainsi que les principaux groupes d’intérêts sont représentés: l’agriculture, la coopération, l’économie, la jeunesse, la littérature, les arts et la culture, le droit, etc., tant dans les fonds d’archives d’individus que d’organismes.

Le Canada français et les francophonies canadiennes

C’est pendant les années 1974 à 1980 que se développe le quatrième axe de la collection: Canada français et francophonies canadiennes. La défense de la langue française et des droits des minorités francophones ainsi que le développement de la francophonie dans l’ensemble du Canada ont mobilisé et mobilisent encore de nombreuses personnes et de nombreux organismes, dont plusieurs ont confié leurs archives au CRCCF. Il faut dire que ces organismes, parmi lesquels on compte les grandes fédérations, ont (ou avaient) leur siège social à Ottawa et que s’y trouvaient le plus souvent représentées l’ACFO ou d’autres associations de divers secteurs d’activité. Parmi ces personnes (des Franco-Ontariens surtout) et ces organismes qui ont œuvré dans tout le Canada francophone et qui ont confié leur fonds d’archives au CRCCF, mentionnons à titre d’exemples Louis Charbonneau, pédagogue et traducteur, qui œuvra, notamment, en Saskatchewan et qui fut président de l’Association canadienne d’éducation de langue française; Georges Michaud, agronome, dont l’activité s’étendit du Nouveau-Brunswick à la Saskatchewan; l’Ordre de Jacques Cartier, fondé à Vanier le 22 octobre 1926; la Fédération nationale des femmes canadiennes-françaises, fondée à Ottawa en 1914; la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, fondée à Ottawa le 26 novembre 1975; la Fédération de la jeunesse canadienne-française, fondée à Moncton (Nouveau-Brunswick) en 1974; la Fédération culturelle canadienne-française, fondée à Saint-Boniface (Manitoba), en juillet 1977. Notons que l’on trouve dans cet axe aussi bien des organismes du vieux réseau institutionnel canadien-français que du réseau francophone canadien mis en place après 1970.

Le développement de la collection depuis 1981: la consolidation des axes

Les années 1981 à 1998

En matière de développement de la collection, les dernières années du directorat de Pierre Savard, de 1981 à 1985, et la période du directorat de Yolande Grisé, de 1985 à 1997, s’inscrivent dans la continuité: croissance des axes franco-ontarien et ottavien; acquisition de fonds des nouveaux organismes francophones pancanadiens; entrée dans la collection de nouveaux fonds d’archives du domaine de la traduction, encouragée par Jean Delisle, historien de la traduction et professeur à l’Université d’Ottawa. L’accent est mis sur l’accessibilité, et la production d’instruments de recherche est croissante. Les archives du Centre assument l’ensemble de leur héritage lorsque l’on souligne par une modeste exposition, en 1998-1999, Le Canada français, l’Ontario français et les francophonies canadiennes: 40 ans d’acquisitions d’archives au CRCCF. La collection s’enrichit de dix nouvelles entrées, en moyenne, par année, dans les trois derniers axes, mis à part le domaine de la traduction et de la linguistique qui voit arriver, entre autres, le fonds de Jean-Paul Vinay.

Parmi les principaux fonds d’archives acquis de 1981 à 1998, mentionnons, outre ceux déjà nommés, dans le groupe des fonds de personnes, le fonds d’archives d’Edgar Tissot (administrateur et grande figure de l’Ordre de Jacques Cartier); dans le domaine du milieu associatif franco-ontarien, les fonds de la Fédération des clubs sociaux franco-ontariens, de l’Association des auteures et auteurs de l’Ontario français et d’autres organismes tels les Éditions l’Interligne, la Fédération des caisses populaires de l’Ontario limitée, le Centre franco-ontarien de ressources pédagogiques, le Centre d’accès pour femmes de l’Est ontarien. S’ajoutent aussi pendant cette période les fonds d’archives d’institutions et d’organismes importants d’Ottawa et de sa région, comme l’Association des confrères artistes du Caveau et le Bureau des gouverneurs du Collège catholique Samuel-Genest. Pour ce qui relève de l’axe pancanadien, les principaux fonds à signaler pour cette période sont ceux de l’Association de la presse francophone hors Québec, de l’Alliance des radios communautaires du Canada, du Réseau national d’action éducation femmes et de l’Association des théâtres francophones du Canada.

De 1998 à aujourd’hui

Le Centre a maintenu depuis 1998 une moyenne de quatre nouvelles acquisitions de fonds d’archives par année, malgré les contraintes imposées à la mise en œuvre de la politique d’acquisition, de 1997 à 1999, et des problèmes aigus d’aires de conservation de 2005 à 2007 qui l’ont obligé à freiner les propositions d’acquisitions.

Au cours des dix dernières années, il s’est produit une concentration de la vie associative en Ontario français, ce qui a donné lieu à une réduction du nombre d’organismes. Cette concentration s’est par ailleurs accompagnée d’une spécialisation croissante des nouveaux organismes, qui se reflète dans les fonds d’archives acquis pendant cette période. Mentionnons à titre d’exemples, parmi les nouvelles acquisitions de la dernière décennie, outre celles déjà citées, les fonds d’archives de la Fédération canadienne pour l’alphabétisation en français, du Regroupement des intervenantes et intervenants en santé et en services sociaux de l’Ontario, du Collectif des femmes francophones du Nord-Est ontarien pour l’avancement de l’éducation et de ProAction, un projet de promotion et de développement de la communauté francophone de Stormont, Dundas et Glengarry mis sur pied à Cornwall (Ontario) en 1989, de l’ACFO de Prescott-Russell, premier fonds d’une ACFO régionale à entrer dans la collection depuis la dissolution de l’ACFO provinciale en 2006. Les dix dernières années ont vu une croissance importante des fonds d’archives du domaine du théâtre, à l’image du dynamisme et de la créativité du théâtre franco-ontarien. Sont ainsi entrés dans la collection du CRCCF, les fonds du Théâtre de la Vieille 17, du Théâtre La Catapulte, du Théâtre du Trillium et de la Compagnie Vox Théâtre. Il faut aussi souligner en ce domaine l’acquisition du fonds de Guy Beaulne (le fils de Léonard Beaulne) et, dans le domaine de la littérature, les fonds de Michel Ouellette, de Gaston Tremblay, de Jean-Louis Trudel et de Jean-François Somain. Les fonds témoignant de l’institution littéraire en Ontario français ont été augmentés de ceux de la Société des écrivains de Toronto et des Éditions du Vermillon. Les fonds d’archives de défenseurs des droits de la communauté franco-ontarienne et des minorités francophones sont aussi entrés dans la collection du Centre: ceux d’Omer Deslauriers, éducateur et fonctionnaire, et de Roger Bernard, sociologue, ainsi que les fonds de deux personnalités politiques de l’Ontario français: Jean-Robert Gauthier et Don Boudria. Enfin, un autre organisme du grand réseau institutionnel canadien-français a confié ses archives au CRCCF: l’Association canadienne d’éducation de langue française, qui fêtait en 2007 son soixantième anniversaire. Cette acquisition, aux riches potentialités pour la recherche, affirme encore l’importance du CRCCF comme l’un des principaux dépositaires des témoignages du réseau institutionnel canadien-français autant que de celui des communautés francophones du Canada, construit après 1970.

Le CRCCF au diapason de l’archivistique canadienne

Pendant vingt ans, soit de 1985 à 2005, Lucie Pagé a occupé le poste de responsable des archives. C’est sous sa conduite que le secteur des archives du CRCCF s’élève au rang des services d’archives universitaires majeurs au Canada, relevant les multiples défis posés par la profession et les changements technologiques: le développement du système archivistique canadien, l’émergence de la discipline et de la formation universitaire en archivistique, l’informatisation, l’arrivée des documents électroniques, la normalisation de la description archivistique, la création des bases de données, l’arrivée du Web, la numérisation des documents d’archives, etc. L’équipe des archives du CRCCF a apporté une contribution importante à la profession et à la discipline en menant à bien d’importants projets de diffusion des ressources documentaires du CRCCF. Il faut signaler que le Centre a été l’un des premiers à réaliser sur base de données, de 1992 à 1994, un instrument de recherche au niveau du fonds d’archives (guide) conforme aux Règles pour la description des archives (RDDA) et l’un des premiers, également, à le rendre accessible sur le Web, sur son site et ceux des réseaux canadien et ontarien d’information archivistique. D’autres instruments de recherche normalisés RDDA au niveau inférieur (répertoire de fonds d’archives spécifiques) allaient suivre. Le Centre a en outre apporté sa contribution au contenu sur le Web de documents d’archives numérisés en mettant sur pied et en administrant, de 2001 à 2004, le projet La Présence française au Canada 1610, passeport pour 2010 en partenariat avec le Centre d’études acadiennes de l’Université de Moncton et la Société historique de Saint-Boniface. Le volet de ce projet réalisé par le CRCCF propose une vaste exposition virtuelle La présence française en Ontario [...] qui présente des milliers de pages de documents d’archives, mis en contexte, provenant de la collection du Centre, principalement, et d’autres sources. Autre réalisation importante: le 1er mars 2005, le CRCCF obtenait du ministère du Patrimoine canadien sa désignation comme établissement de catégorie « A », aux fins de la Loi sur l’exportation et l’importation de biens culturels, une marque d’excellence et un atout important pour son programme d’acquisition d’archives.

Conclusion

Fondé au temps du Canada français et spécialisé en littérature canadienne-française, le CRCCF est désormais le principal centre d’archives de l’Ontario français et l’un des plus importants de la francophonie canadienne. La collection du CRCCF a évolué, en raison de la nature même — polythématique — du fonds d’archives et de l’évolution de la société qui l’entoure. Elle reflète la transformation progressive du Canada français, d’identité unique à identités multiples.

Au moment de la rédaction de ces lignes, le CRCCF avait acquis 525 fonds et collections d’archives qu’il conserve, traite, organise et rend accessibles, soit 1,8 kilomètre linéaire de documents textuels, photographiques, sonores, images en mouvement et autres. Ces documents constituent un important corpus de sources primaires, indispensables à la recherche dans les différentes disciplines des sciences humaines et sociales. Le Centre acquiert ces fonds d’archives d’origine privée grâce à la générosité de donatrices et de donateurs, de personnes ou d’organismes à qui il doit toute sa gratitude.

À l’image de Rémi et de Jules Tremblay, la collection du CRCCF reflète un formidable patrimoine commun, que partagent Canadiens français et francophones du Canada — Franco-Ontariens, Québécois et, dans un degré moindre, Acadiens et Franco-Américains. Or c’est dans ce patrimoine que plongent les racines de l’identité, la singulière comme la plurielle. La collection du CRCCF représente en fin de compte un véritable pan de la culture française au Canada offert aux chercheurs universitaires ainsi qu’au grand public francophone et francophile.




D’après les notices descriptives du Fonds Rémi-Tremblay et du Fonds Jules-Tremblay. Université d’Ottawa, CRCCF, [En ligne], [http://www.crccf.uottawa.ca/fonds/P10.html]; [http://www.crccf.uottawa.ca/fonds/P58.html] (janvier-février 2008).

Bernard Julien, o.m.i., Paul Wyczynski, Réjean Robidoux, o.m.i., et Jean Ménard, «Centre de recherches sur la littérature canadienne-française», dans Université d’Ottawa, Centre de recherches en littérature canadienne-française, Rapports annuels 1958-[1977], Ottawa, 5 août 1958. Note de la page 1.